Mon idée certaine de l'Europe.
L'Europe n'est pas une idée, c'est une réalité. Loin d'être un projet politique imaginé par des idéologues, elle existe depuis la nuit des temps. Aussi, quoi de plus absurde que de chercher à établir un quelconque antagonisme entre certains que l'on qualifierait d'opposants à l'Europe et d'autres que l'on présenterait comme partisans ? On ne peut pas être contre ce qui est. Le vrai débat se situe ailleurs, portant sur l'organisation du vieux continent. Il oppose les tenants de l'Europe fédérale aux promoteurs de l'Europe des nations.
Là se situe le formidable malentendu délibérément entretenu par certains sur la question européenne. Parce que je combats les initiatives bruxelloises et fédéralistes, je suis accusé d'être contre l'Europe, de trahir la pensée des deux empereurs. Or, rien n'est plus faux et en tenant un tel discours, on occulte complètement le véritable enjeu. Car il ne s'agit pas d'opposer les partisans de l'Europe à ses détracteurs, mais de départager les zélateurs de l'Europe fédérale et les partisans d'une autre conception de l'organisation européenne. Il n'y a donc pas, d'un côté, les constructeurs éclairés d'une Europe unie et radieuse et, de l'autre, les défenseurs frileux et haineux d'une France coupée du monde et repliée sur elle-même. La question n'est pas de savoir qui est pour et qui est contre l'Europe, mais quelle est la meilleure façon de l'organiser.
Reconstruire l’Europe sur des bases assainies, c’est donc avant tout permettre une articulation féconde entre le projet national et l’horizon européen.Pour que l’Europe devienne le levier au moyen duquel les nations réussissent mieux ensemble que seules, plusieurs conditions doivent être réunies : abroger tous les traités depuis Maastricht, instaurer des coopérations qui additionnent les forces sans les raboter, rendre sa souveraineté monétaire à chaque Etat et lancer l’Europe des défis à géométrie variable. Tenter d'imposer à des nations, profondément ancrées dans leur identité et leur souveraineté, le carcan fédéraliste peut conduire à des crises violentes beaucoup plus sûrement qu’un processus de libre coopération.
Aux antipodes des funestes schémas de Bruxelles, l'Europe, que je défends, s'affirme comme un projet bénéfique de rééquilibrage. Loin de chercher à asservir les nations et à les faire disparaître, elle offre à celles-ci le moyen de résoudre leurs difficultés concrètes et de retrouver le destin qui est le leur depuis leur fondation. Dans cette Europe, je tiens à ce que la France fasse entendre sa voix, qu’elle contribue à conduire son édification, tout en n’oubliant pas sa place dans le monde, au lieu de s’abandonner et de se laisser aller à la dérive dans un courant dont on ignore où elle mènera.